Traduit de l'allemand par Adolphe Régnier
Réédition augmentée des essais de Schiller ayant trait à la question du sublime. L'ouvrage se compose de plusieurs études, dont les deux premières, Fragment sur le sublime et Du Pathétique, publiées en 1793 dans les cahiers 3 et 4 de la Nouvelle Thalie, proviennent d'un projet inabouti d'écrire un dialogue sur le Beau qui se serait intitulé Kallias; la troisième, Du Sublime étant à la fois la plus tardive (1798), la plus accomplie et la préférée de Schiller. Complètent cette édition des articles intermédiaires (1795) : Sur les limites nécessaires du beau, Sur le danger des mœurs esthétiques, et Sur l'utilité morale des mœurs esthétiques.
L'objet sublime peut-être envisagé de deux manières. Ou bien nous le rapportons à notre compréhension, et nous essayons en vain de nous en faire une image et une idée; ou bien nous le rapportons à notre force vitale, et nous le considérons comme une puissance devant laquelle la nôtre n'est plus rien. Mais, quoique, dans l'un comme dans l'autre cas, nous éprouvions, à l'occasion de cet objet, le sentiment pénible de nos limites, nous ne cherchons pourtant point à le fuir; tout au contraire, nous sommes attirés à lui par une force irrésistible. Cela pourrait-il être, si les limites de notre imagination étaient en même temps celles de notre compréhension? Serions-nous volontiers rappelés au sentiment de toute-puissance des forces de la nature, si nous n'avions pas devers nous quelque autre chose que ce qui peut devenir la proie de ces forces? Nous nous plaisons au spectacle de l'infini sensible, parce que nous sommes capables d'atteindre par la pensée ce que les sens ne peuvent plus embrasser et ce que l'entendement ne peut plus saisir.
